Pour la première interview de ce site, je vous propose de découvrir Mathilde D’hooge, professeure de création textile, et comment elle a trouvé son chemin vers ce métier peu courant.
Mathilde, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis Mathilde d’Hooge, créatrice textile et professeure de création textile à l’Académie de Woluwe Saint Pierre et à celle d’Etterbeek. Je suis passionnée, curieuse et j’ai un besoin constant d’apprendre.

Comment as-tu trouvé ta voie ?
J’ai toujours été dans les fils. Petite, je faisais du crochet, du tricot… Je tiens ça de ma grand-mère. D’ailleurs, j’ai retrouvé des petites salopettes que j’avais faites quand j’avais 5-6 ans !
J’ai suivi un cursus général (latin, math) mais au moment de choisir mes études, je voulais être en lien avec la matière, créer des vêtements. Je pensais me diriger vers le stylisme.
Juste avant de m’inscrire en stylisme, j’ai découvert une exposition qui reprenait le travail des étudiants en master à l’Arba-ESA (Académie Royale des Beaux Arts de Bruxelles). Je me suis dit “Mais c’est ça que je veux faire, c’est travailler la matière!” et j’y ai fait mes cinq années d’études.
À ma sortie de mes études, j’ai eu une bourse à Tournai en 2015 pour faire de la recherche textile. Au même moment, j’ai appris qu’ils recherchaient un professeur de design textile à l’Académie des Arts de Woluwe Saint Pierre. J’ai candidaté, même s’il me manquait des techniques. C’était important pour moi de ne pas laisser filer cette opportunité, c’était quitte ou double, mais je me devais d’essayer. J’ai joué carte sur table en disant : “je suis passionnée, j’ai toujours aimé transmettre.” Et en parallèle, je me suis formée pour apprendre à faire de la dentelle aux fuseaux.
J’ai eu de la chance, les choses se sont alignées pour moi, au bon moment.
Peux-tu nous parler plus de ce travail de recherche que tu fais ? En parallèle de mon métier de professeure, je continue mon travail de recherche. Une citation d’Edgar Morin, philosophe français, m’accompagne beaucoup :
« Il est indispensable de pouvoir penser l’unité dans le multiple et la multiplicité de l’un. »
Edgar Morin
Quand je crée, je ne cherche plus la complexité, le challenge, le fait d’innover à chaque centimètre de tissu créé.

Mathilde D’hooge – White H – 2019 – L invitation de Victor H. – BeCraft – Musée Horta – Photo Joris Luyten
En ce moment, je travaille des pièces assez grandes, plus simples en termes de motifs et de couleurs qui se répètent beaucoup.
Pour moi, cette répétition me permet de rentrer dans le travail, dans la matière. Cela devient comme une méditation.
Chaque année, je me mets en général comme objectif de participer à une exposition. C’est un moteur pour me pousser à créer en parallèle de mon activité de professeure.
Pourrais-tu vivre de ton travail de recherche et d’artiste ?
Je pourrais vivre de ce travail de création et de recherche, mais ce n’est pas mon objectif.
Il y a toujours le risque que la nécessité d’en tirer un revenu amène une pression, ce qui diminuerait le plaisir. Mais je réalise aussi que le fait de créer, d’exposer, de vendre apporte aussi son lot de reconnaissance.
Pour l’instant, je suis satisfaite de gagner ma vie en tant que professeur de design textile. Je trouve beaucoup de satisfaction à voir que ce que je propose aux élèves leur parle, les pousse à aller plus loin, à explorer… Quand je vais travailler, je n’ai pas l’impression d’aller bosser. Aujourd’hui, cette situation me convient.
Un livre qui t’a marqué ?
Au début de mes études, j’ai lu Une brève histoire de lignes, de Tim Ingold. C’est un anthropologue qui s’interroge sur les lignes à travers l’histoire de l’humanité. J’aime beaucoup me perdre dans les librairies et aller chercher les livres qui se cachent tout au fond des étagères. J’ai eu l’impression que ce livre était venu à moi. Depuis, j’ai découvert que ce livre avait accompagné de nombreux artistes !
Un moment, une réalisation dont tu es particulièrement fière ?
Je suis fière, après mes trois premières années d’études, d’avoir pris le temps de faire une pause et tout en ayant entendu l’appel qu’un de mes professeurs m’avait adressé avant de partir : « On espère que tu reviendras parce que tu as encore des choses à faire. » Cette pause m’a permis d’avoir un autre regard, et cette phrase m’invitait à creuser encore ma sensibilité dans la création textile. Je me suis aussi dit que oui, les professeurs ont un impact.
Quel conseil donnerais-tu aux personnes qui cherchent leur voie ?
Si quelqu’un veut aller dans une direction, qu’il ou elle y croit, coûte que coûte. Ce n’est pas parce que l’entourage désapprouve ou n’est pas convaincu que le chemin n’est pas le bon.
Quand j’ai décidé de faire des études de création textile, ma famille pensait que c’était une voie sans débouché. Je n’ai jamais travaillé aussi dur pour leur prouver qu’ils avaient tort. En fait, j’aurais dû travailler dur pour moi tout simplement ! Il faut croire en soi, tout en étant clairvoyant.
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